Couche-toé pis dors!

Si vous êtes une personne qui souffrez de difficultés de sommeil, il est fort probable qu’on vous ait déjà servi le classique « Le sommeil, c’est simple : couche-toé pis dors ». Cette phrase, souvent dite avec un brin d’humour, laisse pourtant perplexe les gens à qui elle s’adresse. Il vous est peut-être même déjà arrivé d’entendre un truc semblable dans une autre situation. En effet, face aux difficultés d’autrui, l’humain est une source intarissable de conseils judicieux. Pour une personne stressée, c’est le fameux « Calme-toi, tout va bien aller! » ou le « Arrêtes-de stresser pour rien! ». Pour la personne déprimée c’est le bon vieux « Bottes-toi les fesses, et actives-toi tu vas redevenir de bonne humeur! ». Pour la personne qui veut maigrir, c’est la phrase « T’as qu’à moins manger et bouger plus, tu vas maigrir! ». Tous ces conseils ne proviennent pas de personnes mal intentionnées. Ce sont simplement des gens qui minimisent la complexité et le travail qu’implique un changement de comportement.  L’humain ne se résume pas à une équation de type 1 + 1 =2. C’est plutôt une équation complexe du genre 2a x 14b2 ÷ (35ac x 4567x). Dans d’autres cas, les gens qui prodiguent de joyeux conseils à leurs comparses n’ont possiblement jamais vécu les difficultés en question et il leur est difficile de se mettre à la place de l’autre. Quelle qu’en soit la raison, ce que ces gens doivent savoir c’est qu’en dépit de l’absence de méchanceté derrière le commentaire, ce type de phrase marque…

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Perdre le contrôle de son sommeil est quelque chose de très angoissant. Avant de se rendre à l’évidence, la personne a souvent essayé de redresser la situation. Pendant plusieurs semaines, voir des années, elle a testé plusieurs produits naturels, elle a lu sur le sommeil et a apporté certains changements à sa routine, elle peut même avoir modifié son alimentation dans l’espoir que son sommeil redevienne comme avant. Puis, elle s’est découragée. La personne s’est probablement rendue chez son médecin qui lui a prescrit des antidépresseurs ou somnifères dans le but de ramener son sommeil à la normale et lui permettre de récupérer. Je ne compte plus les fois où mes patients me disent se sentir faibles de par le fait qu’ils ne soient pas capables de dormir par eux-mêmes et qu’ils aient besoin d’une molécule pour les aider dans cette tâche. Une tâche pourtant si simple! Leur égo s’en trouve atteint. Ce sont des gens qui ont des emplois parfois très demandant, qui sont habitués de performer dans toutes les sphères de leur vie et là, ils ne sont plus capables d’accomplir la base… dormir!

Vous comprenez maintenant pourquoi les remarques de type « Couches-toé pis dors! » peuvent avoir un impact négatif pour la personne en difficulté. C’est un peu comme si d’un coup, la personne confirmait l’étiquette de vulnérabilité et de faiblesse que la personne s’était apposée et invalidait les démarches parfois laborieuses qu’elle avait tentées avant ce jour.

« Oui mais alors, on dit quoi? »

Vous avez une personne qui souffre de difficulté de sommeil dans votre entourage et vous ne savez pas trop comment l’aider ni quoi dire? Je vous donne quelques pistes.

– Sachez valider les efforts que la personne a mis pour se sortir de l’impasse jusqu’à présent.  Pour vous, tout ceci peut paraître superflu considérant la simplicité de l’action de dormir mais pour elle, c’est un parcours sinueux où elle a mis énormément d’effort.

– Encouragez-la à poursuivre les efforts et voyez si elle souhaite que vous l’accompagniez là-dedans. Certaines personnes n’ont pas besoin d’un support serré alors que d’autres ont besoin de parler de leur sommeil de façon ouverte et quotidienne avec leurs proches.

– Vous dormez comme une bûche après avoir posé la tête sur l’oreiller si bien que vous avez de la difficulté à vous imaginer ce qu’elle ressent? Optez pour une formulation du type : « J’admets avoir de la difficulté à comprendre ce que tu vis. Mais je suis avec toi et surtout, je suis là si tu as besoin d’en parler. Je peux essayer de comprendre tout ça, si tu veux bien m’expliquer ». Soyez ouvert, ayez une attitude d’acceptation et de compréhension. Laissez de côté les jugements.

Le plus important si ce n’est pas déjà fait, rappelez à la personne qu’il existe des ressources pour l’aider à retrouver un sommeil satisfaisant.

Sur ce, bon sommeil à vous tous!

Dre Emmanuelle Bastille-Denis Ph.D. psychologue

Dre Emmanuelle Bastille-Denis Ph.D. psychologue