Burnout: causes, symptômes, développement

Le « burnout » est un terme qui est devenu fort utilisé dans les vingt dernières années. Dans ma clientèle au Centre de traitement de l’insomnie, le burnout, ou épuisement professionnel (en français svp!), est largement représenté. En effet, il n’est pas rare que les gens me consultent rapportant être particulièrement fatigués et avoir un sommeil fragmenté, moins profond, non récupérateur, le tout accompagné de réveils prématurés. Typiquement, ces patients sont malgré eux prêts à fonctionner dès 3h-4h du matin pour ensuite se sentir affligés d’une baisse d’énergie incapacitante en milieu et fin de journée. Lorsque je pousse ensuite mon évaluation, ces gens me confient avoir vu leur état se détériorer graduellement si bien qu’ils ne se reconnaissent plus. Alors qu’ils étaient forts, compétitifs, performants et successful, ils rapportent soudainement se surprendre à avoir des difficultés de concentration importantes, des oublis, des difficultés attentionnelles. Bref, l’histoire de ces gens laisse entrevoir un profil où, lentement mais sûrement, un état d’épuisement s’est installé.

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Quelques chiffres

 

Les recherches montrent que le burnout affecte environ 22% des travailleurs Européens (European Agency for Safety and Health at Work, 2011). En Europe, il est estimé que 50-60% des absences au travail sont reliées à un épisode d’épuisement professionnel (Cox et al. 2000). Plus près de nous, trois chercheurs de l’Université de Montréal estiment quant à eux que 4% des travailleurs souffrent d’épuisement professionnel (Marchand, Blanc et Durand, 2015). Cette divergence dans les pourcentages rapportés illustre une difficulté des experts à s’entendre sur la définition et surtout, l’opérationnalisation des critères diagnostiques de cette problématique. C’est un fait, il reste du travail à faire pour comprendre et définir ce trouble pourtant fort répandu de nos jours. En effet, dans une société où l’efficacité, la performance et l’accomplissement dans le travail sont valorisés, il n’est pas étonnant que certains considèrent l’épuisement professionnel comme le mal du siècle.

 

Le rôle du milieu de travail

 

Bien-sûr, les termes «épuisement professionnel» sous-entendent un rôle du milieu de travail dans le développement d’une telle problématique. En effet, l’évaluation que je fais avec mes patients en épuisement montre toujours un contexte de travail particulier ayant contribué à la détérioration de la situation. Parmi les facteurs associés à l’épuisement, notons les suivants :

  • la charge de travail. Ici, ce n’est pas la quantité de travail qui pose problème mais bien le niveau d’énergie requis pour faire la tâche et le temps alloué pour la réaliser;
  • le manque de contrôle : l’absence d’autonomie, l’impossibilité de décider quelles sont les priorités, le manque de clarté dans les tâches et les rôles, etc.
  • le manque de renforcements (la petite tape dans le dos qui fait du bien!);
  • le sentiment d’injustice au sein de l’entreprise;
  • les conflits de valeurs, c’est-à-dire un manque d’adéquation entre les valeurs de l’entreprise et ses propres valeurs professionnelles.

 

Les caractéristiques personnelles associées au burnout

 

Le milieu de travail n’est pas le seul facteur explicatif du burnout. Des caractéristiques propres à la personne ont également un rôle à jouer dans l’avènement d’un épisode d’épuisement. Voici quelques unes des caractéristiques associées aux gens souffrant de burnout :

  • les traits de neuroticisme : une tendance à ressentir des émotions négatives, à être irritable, à avoir une faible estime de soi, à être critique envers soi-même, à vivre de l’anxiété sociale;
  • avoir un locus de contrôle externe : avoir une tendance à blâmer des éléments externes comme étant responsables des problèmes qui surviennent;
  • la personnalité de type A. Ces gens qui ont beaucoup d’ambition, sont compétitifs, ressentent une urgence d’agir, sont impatients, etc.
  • le perfectionnisme : entretenir des standards de performance élevés et sur-estimer la gravité des conséquences qui pourraient survenir suivant une erreur.

 

Les symptômes et leur progression

 

Il existe  3 modèles illustrant les étapes de la progression du burnout dans la littérature. J’ai choisi de vous présenter celui de Girdin et al. (1996) parce que je trouve que c’est celui qui représente le mieux ce que j’observe et entend dans ma pratique. Il est constitué de 3 étapes.

 

Étape 1 : Phase de l’éveil du stress

Cette phase est caractérisée par l’apparition de différentes réponses psychologiques et physiologiques telles que : de l’irritabilité, de l’anxiété, du bruxisme (grincer des dents pendant son sommeil), de l’insomnie, des oublis, de l’arythmie, des problèmes de concentration, des maux de tête fréquents, des problèmes gastro-intestinaux.

 

Étape 2 : Phase de conservation de l’énergie

À cette étape, la personne tente de compenser les effets du stress et du manque d’énergie par les comportements suivants : procrastination, absentéisme, retards, utilisation de substances (stimulants, nicotine, alcool, café, médicaments), diminution des activités, retrait graduel du cercle d’amis ou des activités familiales.

 

Étape 3 : Phase d’épuisement

À ce stade, la personne est consciente que quelque chose ne tourne pas rond. La tristesse peut apparaître et la personne peut avoir la larme à l’œil sans raison à l’occasion. Elle ressent une fatigue mentale et physique chronique. Elle peut avoir des migraines et des malaises gastriques à répétition. La personne peut exprimer un désir de s’isoler de ses amis, de sa famille et du reste du monde. Il m’est souvent arrivé d’entendre les gens dire qu’ils aimeraient partir loin, là où personne ne pourrait les déranger. Finalement, dépendamment de l’intensité des symptômes présents, un diagnostic d’épisode de dépression majeure peut parfois s’appliquer ici.

 

Le diagnostic

 

En lisant cet article, il est possible que vous vous soyez dit «Mais ce sont les symptômes que je présente et pourtant, ce n’est pas l’étiquette que mon psychologue ou mon médecin a apposée sur son rapport lorsque je suis allé le voir?!?» C’est très probable qu’il en soit ainsi et c’est tout à fait normal. Je vous explique. L’épuisement ne fait pas parti de la classification officielle des troubles en santé mentale malgré que la grande majorité des professionnels et chercheurs reconnaissent ce trouble comme une entité. C’est pourquoi, les cliniciens doivent se rabattre sur l’appellation «trouble de l’adaptation avec humeur déprimée ou anxiété» lorsqu’une personne se présente à son bureau avec ces symptômes.

 

Si vous vous sentez interpelés par ces symptômes, je vous invite fortement à en parler à votre psychologue ou votre médecin qui saura faire une évaluation en bonne et due forme. Plusieurs éléments doivent être pris en compte pour poser un tel diagnostic. L’apport d’un professionnel est ici crucial afin de s’assurer que les symptômes présentés ne sont pas attribuables à une autre problématique (physique ou psychologique).

 

Dre Emmanuelle Bastille-Denis Ph.D. psychologue

Dre Emmanuelle Bastille-Denis Ph.D. psychologue

 

Bibliographie

Marchand, Blanc, & Durand, (2015). Genre, catégorie professionnelle, secteur économique et santé mentale en milieu de travail : les résultats de l’étude SALVEO, Canadian Journal of Public Health

 

Bährer- Kohler (2013). Burnout for experts. Prevention in the context of living and working. Bährer-Kohler, Sabine (Ed.)