Sommeil et apesanteur

La mission de David Saint-Jacques tire à sa fin après plus de 200 jours passés en orbite. Ce périple en aura fasciné plus d’un et le désormais célèbre astronaute québécois aura fait coulé beaucoup d’encre. Nous sommes plusieurs à nous intéresser à son expérience et à vouloir tout savoir: les recherches qu’il mène, ce qu’il mange, comment il occupe ses temps libres. Pour ma part, j’ai eu le goût de me pencher sur une question bien précise pour satisfaire ma curiosité, considérant que je travaille avec des gens qui souffrent de difficultés de sommeil : comment les astronautes arrivent-ils à glisser dans les bras de Morphée dans un environnement rempli d’écrans, de sons étranges, en partageant leur espace de sommeil avec les autres astronautes? Comme nous le savons, les facteurs psychologiques ont un rôle majeur à jouer dans les difficultés de sommeil. Par conséquent, nous pouvons facilement imaginer la pression et le stress que vivent les astronautes en participant à ce genre de mission (crainte pour leur vie, volonté de remplir les attentes de l’équipage sur Terre, monotonie, vie quotidienne dans un espace hors norme, éloigné et restreint). Avec toutes ces caractéristiques, il est possible de croire que le sommeil représente un défi.

Débutons par la base. Il faut savoir que les astronautes dorment à la verticale (oui oui, comme dans «La petite vie»). Je vous invite à visionner cette vidéo réalisée par Radio-Canada qui vous l’illustre d’une façon ludique. Cliquez ici pour visionner la capsule!

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Comme vous le savez probablement déjà, l’horloge biologique qui se trouve dans notre hypothalamus est responsable de l’aspect cyclique du sommeil. Elle se base sur plusieurs indices, mais sont favori est la lumière et l’obscurité. Pour l’horloge, la clarté signifie «éveil» et la noirceur est synonyme de sommeil. Revenons à nos charmants astronautes. Saviez-vous qu’ils sont soumis à 16 couchers de soleil par 24h? Nous pouvons facilement imaginer que ces changements rapides et fréquents de luminosité complexifient la tâche de l’horloge biologique en lui envoyant une tonne de messages contradictoires! Nous ne sommes pas surpris d’apprendre que la fatigue et les difficultés de sommeil ont fait partie des plaintes rapportées par les astronautes au courant des missions précédentes. Des études ont d’ailleurs montré que 45-50% des astronautes avaient recours à une médication pour le sommeil au courant de leur mission.

Pour ce qui est de la durée du sommeil, les astronautes sont susceptibles de dormir 1,5h de moins dans l’espace que sur Terre. Au niveau de l’architecture du sommeil, certaines études on montré une diminution du temps passé un sommeil lent profond et en sommeil paradoxal. C’est donc dire que le sommeil des astronautes était plus léger. En contrepartie, les chercheurs ont été surpris de constater une diminution des manifestations d’apnée du sommeil (arrêts de respiration, micro-arrêts et ronflements) de 55% chez les astronautes en mission. Une soudaine envie d’envoyer votre conjoint qui ronfle en mission dans l’espace? À ce stade-ci, les chercheurs ont de la difficulté à s’expliquer cette diminution des symptômes. Mais parions que ce genre de constat servira à faire naître des études pour mieux comprendre les facteurs qui influence ce trouble qui touche tant de gens.

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En espérant que cet article aura satisfait votre curiosité autant que la mienne, je vous souhaite un bon sommeil.

Dre Emmanuelle Bastille-Denis Ph.D. psychologue

Dre Emmanuelle Bastille-Denis Ph.D. psychologue

Bibliographie

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