Quand l’insomnie ne prend pas de vacances

Mise en situation (ou fait vécu, c’est selon)

Vendredi. Vous terminez votre semaine de travail et vous vous apprêtez à plonger à pieds joints dans cette période tant attendue : vos vacances. Vous avez l’impression d’avoir traversé le désert puis fait la guerre du Vietnam dans les dernières semaines. D’une part, vous avez mis les bouchées doubles pour régler les derniers trucs au bureau afin d’être certain que vos collègues/employés/patrons pourront fonctionner pendant votre absence. D’autre part, vous avez fait un marathon de tâches familiales (lire ici : ménage, lavage, derniers rendez-vous par-ci par là, régler les factures) en vue du grand départ de samedi matin vers votre destination vacances. Direction : “Camping chez Ginette” à St-Clin-Clin-des-Meuh-Meuh, là où la sainte paix vous attend. Vous êtes excité mais aussi exténué. Vous ne rêvez qu’à une chose : dormir. Vous avez hâte à cette nuit du samedi au dimanche où votre campement aura été érigé et que vous pourrez enfin célébrer vos vacances et vous détendre. Votre projet? Renflouer la marge de crédit de sommeil sur laquelle vous avez grugé pendant les dernières semaines. Dire adieu à la fatigue est votre objectif ultime. Le moment tant attendu arrive. Samedi soir. Vous vous couchez rempli d’espoir en vous disant que le sommeil sera facile considérant toute la fatigue accumulée. Puis… [bruit de criquet]. 20 minutes, 30 minutes, 45 minutes passent. Il est bientôt 1h du matin. Vous vous rendez à l’évidence: il vous est franchement difficile de tomber dans les bras de Morphée. Mais où est-il celui-là? Prend-il des vacances aussi? Comment est-ce possible que vous n’arriviez pas à trouver sommeil? Vous êtes si fatigué! Après quelques incantations du dieu du sommeil et quelques spirales dans votre sac de couchage, vous finissez par vous assoupir. Dimanche matin. La frustration vous rattrape. Vous aviez tant d’espoir et vous voilà avec ces fameux demi-cercles violacés sous les yeux.

Les prochaines nuits s’avèrent difficiles également. La pression monte. Vous êtes fâché mais aussi stressé. Des pensées du type : “Comment vais-je faire pour récupérer si mes vacances débutent de cette façon!? C’est anormal. Est-ce que ça va durer bien longtemps? Aurais-je dû rester chez moi plutôt que d’opter pour le camping? “. Et voilà que votre conjointe en rajoute : “Mais que ce passe-t-il chéri? Ne profites-tu pas de tes vacances pour te reposer?”. Avec candeur et bienveillance elle ajoute : « Il n’y a rien de stressant pourtant! Détends-toi et le sommeil viendra ». Cette phrase résonne à votre esprit. C’est plus fort que vous, elle provoque de la frustration. Dormir, une activité si simple et si complexe à la fois… même en ayant les conditions gagnantes pour le faire. “Pourquoi ne suis-je même pas capable d’y arriver?”

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Cette situation m’est souvent rapportée en rencontre. Mais qu’est-ce qui provoque cette insomnie? Deux concepts importants ressortent de cette situation pour fournir des pistes explicatives.

La zone tampon

Imaginez qu’on vous demande de sortir faire de la course à pied pendant 20 minutes à l’extérieur, qu’on vous fasse immédiatement revenir à l’intérieur pour vous demander d’entrée sur le champ en mode méditatif. En résumé : on augmente votre rythme cardiaque et dans les minutes qui suivent, on vous demande qu’il soit à son minimum. Inutile de dire que vous aurez de la difficulté à remplir la commande! En effet, votre corps a besoin d’une zone tampon. Vous aurez donc besoin de marcher pendant quelques minutes pour faire diminuer votre fréquence cardiaque et prendre plusieurs respirations profondes avant de pouvoir méditer. Vous aurez besoin de vous accorder un instant pour faire une transition d’un état à l’autre.

C’est exactement la même chose lorsque l’on parle du sommeil. La période précédant les vacances est souvent chargée et vous demande de faire un sprint. Or, si vous demandez ensuite à votre cerveau d’entrée en mode « vacances » immédiatement après ce sprint, vous aurez de la difficulté à remplir la commande. Même chose pour votre horloge biologique qui est responsable des cycles éveil/sommeil. Vous lui avez donné la consigne de produire un sommeil plus court pendant les quelques dernières semaines afin de remplir vos obligations avant les vacances et voilà que vous lui permettez d’étirer le temps de sommeil et faire la grâce matinée sans crier gare! La demande est drastique! Votre horloge biologique aura elle aussi besoin d’une zone tampon.

Les attentes qui créent une pression

Le phénomène des attentes vient généralement avec une certaine pression. Dans la situation énumérée en début d’article, les attentes étaient grandes envers le début des vacances. La volonté de récupérer et de se reposer amenait paradoxalement une pression assez importante. Qui dit pression, dit rigidité et donc, difficultés. Il était clair que la personne en question voulait atteindre un objectif (dormir et se reposer). Or, en constatant que les résultats n’étaient pas aussi concluants que ce qu’elle espérait, la frustration et le stress se sont peu à peu fait un nid. La pression a repris du service et un cercle vicieux s’est installé en quelques jours. La mécanique est simple et pourtant tellement nocive pour le sommeil! Et si l’entourage vous reflète qu’il est anormal de ne pas arriver à relaxer alors que vous êtes dans les conditions gagnantes pour le faire, on augmente la pression d’un cran et le sentiment d’être hors norme.

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Que faire?

L’idée peut paraître saugrenue, mais osez vous permettre de vivre des difficultés de sommeil au début de vos vacances. Osez diminuer vos attentes et vous libérer d’une pression inutile. Plus vous serez dans l’acceptation, plus vous permettrez facilement à votre sommeil de devenir satisfaisant dans un court délai. Je répète les deux concepts clés à retenir : diminuer ses attentes et acceptation. Il est possible que votre corps ait besoin de s’adapter au « rythme vacances » même si cela implique un sommeil différent pendant les premières nuits. Les nuits d’insomnie en début de période de vacances n’ont rien d’anormal! Elles sont transitoires et plus vous les verrez de la sorte, plus vous diminuerez la pression et augmenterez vos chances qu’elles s’estompent rapidement.

Petit clin d’œil : les vacances ne sont pas l’unique moment dans l’année où vous devez vous permettre du repos! Vous devez cultiver le bien-être, la détente et le ressourcement tout au long de l’année! De cette façon, vous diminuerai vos attentes face aux vacances si vous êtes nourris au courant de l’année. Ainsi, n’attendez pas d’être exténué avant de prendre congé!

Sur ce, je vous souhaite de belles vacances!

Dre Emmanuelle Bastille-Denis Ph.D. psychologue

Dre Emmanuelle Bastille-Denis Ph.D. psychologue