Impact de l’alcool sur le sommeil

Les décorations dans les magasins et centres commerciaux nous l’ont bien fait comprendre, les fêtes de Noël approchent ! Qui dit fêtes, dit alcool. Nombreuses sont les personnes qui se plaignent de la fatigue ressentie après les fêtes, entre les achats, les réunions familiales qui n’en finissent plus et les nombreux excès alimentaires qui vont avec. C’est un vrai marathon festif pour certains. Et oui vous me voyez venir avec le fameux refrain « buvez avec modération » ! Loin de moi l’idée de vouloir briser l’esprit de Noël, mais je souhaite plutôt vous expliquer en quoi vous pourriez troquer ce verre de vin contre une autre part de bûche. Oui, vous avez bien lu…

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Petit rappel : les stades de sommeil

 

Tout d’abord revenons sur quelques bases. Le sommeil se divise en deux grandes catégories : le sommeil lent et le sommeil paradoxal. Le sommeil lent se divise lui même en 3 stades et représente chaque nuit 75% à 80 % du sommeil total. Pour ce qui est des stades de sommeil lent, nous retrouvons d’abord le sommeil léger (stades 1 et 2) puis le sommeil profond (stade 3). C’est au cours du sommeil profond que la récupération physique se fait. Bref, on aime ce stade ! Le seul bémol vient du fait qu’il se concentre au début de la nuit uniquement (dans les trois premières heures de sommeil) et que le reste de la nuit est plutôt composé de sommeil léger. Que voulez-vous ? Le corps est ainsi fait qu’il se dépêche de produire le sommeil profond pour ensuite laisser le sommeil léger prendre la place. Comme son nom le laisse entendre, il est facile de se faire réveiller en sommeil léger.

 

Les 20% restant de la nuit correspondent au sommeil paradoxal. Ces 20% sont fondamentaux car ils nous permettent de nous adapter aux expériences émotionnelles, d’être plus efficaces, d’organiser et d’intégrer toutes les choses apprises durant la journée surtout les apprentissages intellectuels, de fait il est très important pour la mémoire. Le sommeil paradoxal est présent tout au long de la nuit en alternance avec le sommeil lent. Nous passons toutefois de plus longues périodes en sommeil paradoxal vers la fin de la nuit.

 

Action de l’alcool sur le sommeil

 

Peu importe la dose d’alcool, vous l’avez sans doute remarqué, le temps requis pour s’endormir diminue. C’est pourquoi vous voyez votre grand père piquer du nez à peine le repas terminé. « Moi qui ai du mal à m’endormir, c’est parfait ! » me direz-vous peut être. Pas si vite ! Non seulement il réduit la durée totale du sommeil, mais les réveils sont aussi plus fréquents lors de la seconde moitié de la nuit. Si vous avez bien suivi, le sommeil est déjà plus léger en fin de nuit. C’est donc dire que vous ajoutez un niveau de difficulté à votre corps déjà sensible aux éveils à cette période de la nuit.

 

Ces effets seraient dus à l’interaction de l’alcool avec des hormones naturellement produites par notre corps. Après l’avoir consommé, notre corps produit de l’adénosine, une hormone qui facilite l’endormissement, mais celle-ci s’en va aussi vite qu’elle est arrivée, ce qui nous réveille avant que nous nous soyons réellement reposés. D’autre part, les consommateurs réguliers ont tendance à développer une tolérance à cet effet sédatif. Les études montrent qu’après 3 à 7 jours consécutifs de consommation, les buveurs ne ressentent plus cet effet sédatif. Autre fait inquiétant, le taux d’alcoolisme est 2 fois plus important chez les individus souffrant d’insomnies que chez les bons dormeurs au Québec. En effet, 4% de la population générale et 10% des individus souffrant d’insomnie ont recours à l’alcool pour faciliter le sommeil. 3 L’insomnie peut donc être la cause d’une intoxication alcoolique chronique. 1

 

Autre point indéniable, l’alcool réduit la quantité de sommeil paradoxal durant la seconde moitié de la nuit à forte dose et à dose modérée. On aurait observé une nette augmentation du sommeil lent léger au détriment du sommeil paradoxal, et ce autant chez les hommes que chez les femmes, tous âges confondus. Avec de faibles doses (jusqu’à 0,1% de taux d’alcool dans le sang, soit environs 2 verres et moins4), les études ne montrent pas d’impact majeur sur notre sommeil paradoxal. Par conséquent, votre corps vous remerciera d’avoir dit non à ce verre de trop! Les études de polysomnographie démontrent que les individus qui consomment plus de 4 verres d’alcool avant d’aller se coucher ont une augmentation de leur sommeil lent léger allant de 1 à 11% supérieure à celle enregistrée sans consommation d’alcool, une augmentation non négligeable. Avec une faible dose ou une dose modérée d’alcool, ces proportions varient de 0,5% à 7,5%. Autrement dit, la réduction du sommeil paradoxal est proportionnelle à la quantité d’alcool consommée. Le sommeil paradoxal est même parfois complètement supprimé à partir de 0,10% d’alcool dans le sang.3 Une autre part de bûche ?

 

Bien évidemment ceci est sans compter la symphonie de ronflements due aux relâchements des muscles de la gorge suivant l’ingestion d’alcool, ce qui peut notamment aggraver les problèmes d’apnée du sommeil. D’autre part, en temps normal votre corps met votre vessie en état d’hibernation durant la nuit, mais l’alcool étant un diurétique, vous risquez les allers et retours à la salle de bain.

 

Outre l’effet de l’adénosine dont j’ai parlé plus tôt, n’oublions pas la traditionnelle « gueule de bois » qui se fait plus ou moins ressentir en fonction de la quantité d’alcool consommée, votre métabolisme et votre âge. Les conséquences de l’alcool sur le sommeil sont en fait liées à des « mini syndromes de sevrage » d’où cette sensation désagréable au matin qui correspond aussi à une déshydratation. Il a été démontré que les individus ressentant cet état de fatigue ont tendance à faire plus de siestes durant la journée et sont à risque d’avoir plus d’accidents de voiture. Ainsi, cette fatigue n’est certainement pas à prendre à la légère !

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À quelle heure boire ?

Autre élément à prendre en compte : l’heure de la consommation. Plusieurs études démontrent qu’une consommation modérée en après-midi affecte moins le sommeil paradoxal qu’une consommation en soirée. D’une part cela est du à l’interaction de l’alcool avec la mélatonine, une hormone sécrétée par notre corps pour enclencher le sommeil. D’autre part, l’effet stimulant de l’alcool empêche l’endormissement si vous vous couchez peu de temps après avoir bu. Dépendamment du système métabolique de chacun, il est conseillé d’attendre 1h ou 2h avant d’aller se coucher afin de minimiser les effets néfastes de l’alcool sur le sommeil, surtout si vous souffrez de divers troubles du sommeil (apnée du sommeil, insomnie, etc.). 2 Attention cependant, si vous buvez en après-midi, assurez-vous que vous n’ayez pas à prendre le volant ou que vous n’ayez pas de tâches importantes à effectuer.

 

Sommeil et poids        

 

Le mythe selon lequel nous aurions besoin de manger un repas calorique à la suite d’une soirée alcoolisée trouverait son explication non pas dans un besoin physiologique, mais dans les conséquences d’une nuit agitée. Le manque de sommeil peut avoir un impact sur l’obésité car dans un état de fatigue notre corps sécrète plus de ghréline qui nous incite à manger plus, cette hormone  se distingue de la leptine qui est responsable de la satiété. Le manque de sommeil aurait un impact direct sur la synthèse de ces hormones : la ghréline est produite en abondance alors que la leptine est moins abondante ce qui aura une incidence sur le poids. En bref, nous mangeons plus et nous ressentons moins la sensation de satiété en prenant de l’alcool.5 Finalement, peut-être qu’en troquant ce verre par une part de bûche vous vous éviterez d’autres excès le lendemain.

 

Ceci étant dit, la modération a bien des vertus et rien de mieux qu’une bonne nuit de sommeil pour bien profiter des fêtes !

 

Je vous souhaite un joyeux temps des fêtes !

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Sarah Comte, étudiante au baccalauréat en psychologie

Assistante clinique pour le Centre de traitement de l’insomnie

Références :
1- Ebrahim, O. I., Shapiro, M. C., Williams, A. J., Fenwick, P. B. Alcohol and sleep I : Effects on normal sleep. (2013). Alcoholism : Clinical and experimental research. DOI: 10.1111/acer.12006

2- Catherine Paradis. Éduc alcool : Alcool et sommeil. Alcool et santé. ISBN 978-2-923548-63-0

3- Feige, B., Gann, H., Brueck, R., Hornyak, M., Litsch, S., Riermann, D. (2006). Effects of alcohol on polysomnophically recorded sleep in healthy subjects. (2006). Alcoholism : Clinical and experimental research. DOI: 10.1111/j.1530-0277.2006.00184.

4- Geoghegan, P., O’Donovan M.T., Lawlor B. A. (2012). Investigation of the effects of alcohol on sleep using actigraphy. Alcohol and alcoholism. DOI: 10.1093/alcalc/ags054

5- Optima santé globale, document de référence. Obésité. (2016).